Enterrés par erreur sous des stèles musulmanes, des soldats polynésiens ont retrouvé leur croix
Entre 1915 et 1916, 1 088 Tahitiens rejoignent à Nouméa le Bataillon Mixte du Pacifique par contingents successifs, qui deviendra en avril 1917, le Bataillon Mixte de Marche du Pacifique.
Le bataillon rejoint les unités combattantes en juin 1918. Il enlève le village de Vesles-et-Caumont dans l'Aisne et reçoit la croix de guerre 14-18 avec 1 palme. Après le retour au fenua (île de Tahiti) en 1919, le bataillon est dissout. 300 Polynésiens meurent en France lors de ce conflit.
Les Tahitiens (nés dans les ÉFO en général) dénombrent globalement entre 202 et 300 morts pour la France.
Très vite, les premiers engagements volontaires vont avoir lieu. Neuf Tahitiens d’origine ou d’adoption quittent la colonie le 21 mars 1915. Un deuxième transport de troupes à destination de la France est organisé le 27 mai 1915, emmenant pour le front sept réservistes popaa et vingt volontaires tahitiens. Dix autres contingents suivront, jusqu’en 1917, soit 1115 hommes. Ce chiffre peut être qualifié d’insignifiant au regard du nombre de soldats mobilisés dans les armées françaises. Il est cependant important dès qu’on le compare à la population totale polynésienne de l’époque, 30000 habitants.
. Jusqu’en décembre 1915, les contingents sont formés de volontaires locaux ou d’appelés métropolitains. En 1916, la conscription est élargie aux « indigènes » ayant la nationalité française. Quant aux sujets français, un appel à l’engagement volontaire leur est lancé.
Soldats tahitiens du Bataillon mixte du Pacifique
Aux côtés des Tahitiens, vont combattre des soldats venants des quatre coins de l’Empire colonial. Des camps furent aménagés sur la Côte d’Azur afin que les troupes coloniales jouissent d’un climat plus clément que celui qui frappe le nord-est de la France. Les villes de Fréjus et Saint-Raphaël furent choisies, 16 camps y furent édifiés, d’une capacité de 40 000 hommes. Deux jours après son arrivée à Marseille, le Bataillon mixte du Pacifique s’installe à Saint-Raphaël, au camp de Boulouris le 13 août 1916. Aux ordres du capitaine Montagne, les 596 tirailleurs calédoniens et tahitiens travaillent d’abord au port de Marseille où ils chargent les bateaux destinés à l’Armée d’Orient.
En avril 1917, ce bataillon de soldats-travailleurs est transformé en bataillon de marche, jugé apte à combattre. Renforcé par 502 Tahitiens en mai 1917, il s’entraîne à Fréjus avant de partir au combat dans le Marne le 3 août. Son effectif atteint alors 20 officiers, 1062 hommes de troupes, 42 voitures et 87 chevaux. Ces hommes restent au front jusqu’en novembre, avant de rejoindre en train Marseille, puis Fréjus et Saint-Raphaël. Ils repartent au front le 9 juin 1918. Rattaché à la 72ème Division d’Infanterie, le Bataillon mixte du Pacifique fournit dans les premières semaines de l’été 1918 des travailleurs avant de prendre part aux combats et à la riposte victorieuse en Champagne à partir du 15 juillet. Dès les premiers jours, 14 soldats sont tués, 4 sont portés disparus et 101 sont blessés. Le bataillon s’illustre notamment fin octobre, lors de la bataille pour reprendre Vesles et Caumont au Chemin des Dames. Un des combats qui amènent la victoire.
Le Bataillon mixte du Pacifique à Boulouris ©Collection M-N. Frémy
Les soldats Tahitiens sont considérés par leurs chefs comme des hommes emplis de bravoure, très efficaces lors des combats au corps à corps. Alors que les citations et les médailles ont été distribuées avec parcimonie au sein de l’armée, les Polynésiens en ont reçu beaucoup : citation à l’ordre de l’armée, légion d’honneur, etc. La guerre finie, les soldats océaniens s’embarquent le 19 novembre pour le Sud au camp de Valescure-Golf où ils apprennent la citation de leur bataillon à l’ordre de la Xème Armée. Embarqués le 10 mai 1919 à bord du El Kantara, 540 Tahitiens regagnent Papeete le 28 juin 1919. 300 hommes ne sont pas revenus au fenua, tués aux combats, malades ou pour beaucoup succombant à leurs blessures à l’arrière. En 57 mois, 181 tirailleurs kanak et tahitiens périrent dans les hôpitaux de Fréjus. La plupart sont morts anonymement, loin du front et encore plus loin des leurs et de leur fenua ; beaucoup de ces bulletins de décès portent la mention « sans renseignement ».
Malheureusement, la méconnaissance de ces soldats et le fait, sans doute, qu’ils appartenaient à un bataillon de tirailleurs issus de l’Empire ont conduit les fossoyeurs à leur octroyer une sépulture musulmane avec un patronyme parfois bien mal orthographié.
-à Nice, c’est Puhi a Tuaoharo, qui est enterré sous le même type de tombe.
-le soldat Tuaraiteru Paparetua repose lui aussi sous une stèle musulmane, dans l’Aisne ;
Alerté seulement en 2013 de cette erreur, le Souvenir français, l’organisme qui entretient les tombes des militaires, s’est engagé à donner à ces soldats morts pour la France une sépulture en adéquation avec leur religion.
Un ancien officier de l'armée de l'air, vivant en Polynésie et chercheur passionné d’histoire, Irénée Cordonnier alertait le service de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) de Polynésie sur ces tombes. Philippe Leydet, directeur du service en coopération avec le général Alfred Morel, délégué du Souvenir français pour les Alpes-Maritimes et la municipalité de Cannes entreprenaient alors les démarches pour réhabiliter les tombes de ces valeureux soldats polynésiens.
11 NOVEMBRE 2017- Après quatre ans d’efforts et de recherches, la cérémonie d'hommage a enfin pu avoir lieu. Lors de la cérémonie, qui devait redonner une sépulture chrétienne à ces soldats enterrés dans des stèles musulmanes ? Maina Sage, députée de la Polynésie française et Caroline Tang, déléguée de la Polynésie française à Paris ont lu avec une grande émotion les noms des onze Tamarii : Mouaura Paihura, Tiaahu Tuaarue, Tetiarahi Joseph Aitamai, Moe Teha, Teihoarii Tavi, Taeae Tetuanui, Faatae Aro, Mairahi Moohono Purea, Hopara Teahui, Terai Tetauroura et Dauphin Maria. Cet hommage fut ponctué par les chants traditionnels des militaires polynésiens du 21e régiment d’infanterie de marine (Rima) basé à Fréjus puis les invités se sont recueillis sur les stèles des Polynésiens morts pour la France. Leurs tombes seront de nouveau honorées et fleuries par le Souvenir français ce 11 Novembre.